Escalade au Mexique
« Caramba, encore raté ! ». Lâchant la
prise clé pour la deuxième fois je ne peux m’empêcher de voler l’expression du
général Alcazar de Tintin. Au pied de la falaise Ricardo, hilare, s’esclaffe :« Oye !
ahora hablas como un muchacho »…
La première fois que j’en parlais à mes clients, en tant
que guide dois-je préciser, je vis se lever quelques sourcils interrogateurs.
Pourtant, à en croire les grimpeurs espagnols ou nord-américains,
il y existait bel et bien un vaste potentiel de grimpe. C’est donc muni uniquement de vagues informations et d’une
bonne dose d’optimisme que nous atterrissions à Monterrey, dans la province de Nuevo Leon. Deux heures plus tard, en
découvrant la clue calcaire d’El Potrero Chico, ma confiance commençait à
battre de l’aile : toutes les zones rocheuses semblaient tapissées d’une
végétation verdoyante. Allions nous devoir grimper le coupe-coupe entre les
dents ?....
C’est le lendemain,
en remontant la route menant au « Parque » , que nous allions
découvrir notre eldorado.
De profonds canyons en vis-à-vis entaillent les flancs
d’El Toro, le sommet principal. L’escalade se développe ainsi au cœur de ces
hautes parois gris-orange : gouttes d’eau verdonesques, fissures,
colonnettes kalymniennes, dalles raides ou dévers, il y en a pour tous les
goûts. Le plus remarquable est que les voies spitées côtoient les lignes requérant
friends et coinceurs. Il existe aussi de magnifiques courses d’arêtes « à
la mexicaine », entendez une escalade aérienne coincée entre cactus et
blocs branlants : « Monstertruck »Un must à tester !.
Le panachage des niveau est ici idéal : il y en a
pour tous les goûts du 4 au 8.
Dix à Trente minutes d’approche le long de l’arroyo vous
ouvrent les portes de l’essentiel des 5oo voies où il n’est pas rare de faire
relais sur un Yucca.
Pour les amateurs de challenge (ou ceux désirant
travailler leur conti) je suggère l’enchaînement « Time Wave Zero- Space
boys- Pancho Villa » : 21 longueurs entre 5+ et 6C+ avec des corde de
60m. Une pensée particulière pour les ouvreurs de la seconde de ces
lignes : ils ne passèrent pas moins de 52 week End dédiés à l’ouverture,
bel exemple d’entêtement.
Les énervés du gratton, eux, pourront se dégourdir dans
quelques voies où s’empilent les 7C+. Pour le commun des mortels le choix est
pléthorique.
Un seul regret toutefois : que le Bon Dieu n’ait pas
eu l’excellente idée de pivoter ce lieu de 180°. Depuis 40ans les grimpeurs composent
donc avec le soleil, les nuages et la saison. Mais cela fait partie du charme
et des aléas du voyage.
Nous sommes tentés, mais Eduardo nous interpelle : «
Vous , les français, il faut aller à El Salto ; ensuite vous en parlerez à
vos amis ! ». Une telle suggestion ne se refusant pas (surtout
qu’Eduardo a des cousins Bandidos) , nous sautons dans la voiture
direction Santiago. Brutalement la banlieue chaotique de Monterrey laisse place
à une incroyable route sinuant dans une épaisse forêt. Au détour d’un virage
nous découvrons notre camp de base : La Cenega. Ce hameau qui semble perdu offre ,
paradoxalement, des hébergements très convenables sous forme de petits
chalets. Dona Kika, l’extraordinaire mamie officiant au deposito
(superette du coin), nous expliquera que le Week End les citadins émigrent dans
les montagnes pour des Fiestas mémorables. Ay !! si l’on ne participe pas
il ne faut pas oublier les boules-quies….
El Salto est situé dans le canyon de San Cristobal, une
entaille longue de près de 7 kilomètres. Pour l’instant les mexicains y ont développé
deux sites majeurs : las Animas et la Cueva del Tecocotl. L’escalade s’y
déroule sur des colonnes, des trous et stalactites le long de profils raides à …très
raides, voire horizontaux !.
Des formations telles que Ramon Mushroom (6b+),Culo
de Merlin (6a) ou Nosferatu (7c) sont enthousiasmantes, y compris
d’un point de vue européen. Attention, La motivation des mexicains croisés sur
place est un virus hautement contagieux. Décomplexés, ils sautent allègrement
du 6b au 8a, pour eux c’est le jeu : il faut essayer. Malheureusement ils
ne disposent que des fins de semaine, aussi nous ont-ils affirmé accueillir à
bras ouvert ceux désirant ouvrir de nouvelles lignes, quitte à fournir la
chignole ! L’escalade étant loin de se résumer à cette région ( El gigante, El Trono
Blanco, El Peon Blanco….)il semble probable que cette destination est
amenée à se développer. La vie est
marquée par l’influence nord-américaine, en particulier dans les grandes villes
ce qui implique une –relative- prodigalité dans les choix alimentaires et les
besoins divers. Pour le coté « dépaysant » il faut se rapprocher des
villages alentours, attention toutefois à l’eau. Peu d’inquiétude au niveau de
la sécurité : à la différence de zones telle le Chiapas l’état de Nuevo
Leon est assez sûr. Au final il est évident que ce pays a son avenir d’escalade
devant lui. Ouverts et soucieux de confronter leur art à celui des européens,
les mexicains souhaitent promouvoir ce sport. Reste à voir comment ils gèreront
ce patrimoine naturel.