Lacrima Delli Angelli

Sous le Mont Blanc du Tacul, coincé  entre l’arête Kuffner et les Aiguilles du Diable, il y a un véritable paradis pour l’amateur de glace et  mixte. Des goulottes, souvent ensoleillée, hautes de 250 à 500m attendent le chant des piolets dans le calme et la solitude de la Combe Maudite. 

C’est vers l’une d’elles, Lacrima Delli Angelli , que je me dirigeais ce matin de Mai en compagnie de mes deux clients australiens, Alex et James.

Après une nuit passée sur le fantastique belvédère qu’est le refuge-bivouac de la Fourche, nous avions remontés de nuit la combe, la neige froide crissant sous nos pas . En cette période peu de gens s’aventurent par là, l’aube nous trouva donc seuls, affairés à rassembler notre matériel en vue de l’ascension à venir.

Après un franchissement de rimaye aisé nous grimpons vite jusqu’au premier relais qui nous met définitivement à l’abri de toute avalanche pouvant provenir du gigantesque sérac qui domine le fond de la Combe. Deux longueurs sur une rampe avec de courtes sections à 75° servent d’introduction à l’escalade. Alex et James mènent la cordée à tour de rôle, s’initiant ainsi aux joies de l’organisation d’un relai, de la trace et des protections. Les sacs sont lourds et la chaleur inhabituelle de cette journée nous oblige à tomber les gore-tex, c’est donc en petite polaire que nous arrivons au pied des longueurs clés .

La pente se redresse et se resserre pour ne devenir plus qu’une mince trainée de neige coincée au fond d’un énorme dièdre. Là , fini de plaisanter : je reprend la place de leader. La glace est pourrie par la chaleur, je protège  ma progression à l’aide de petits aliens que je parviens à placer dans un rocher douteux. Heureusement que l’inclinaison n’excède pas les 80° sans quoi les lames de mes piolets risqueraient fortement de déchirer le fragile support sur lequel j’évolue. Les mètres défilent et je ne trouve toujours pas de relai, alors que jusque là  ils étaient tous équipés avec  un mousqueton pour le rappel . Finalement je passe un sangle derrière une lame de rocher que j’ai préalablement martelé : le son rendu m’a indiqué sa solidité  ; je la couple avec un piton avant de faire monter mes deux Kangourous ….

Relai suspendu : la position et le regard de mes gaillards m’ont vite convaincu de choisir une sortie rapide . Tout droit c’est vertical, mais la qualité de la glace et les faibles possibilité de protection en rocher ne m’inspirent guère. Je prend donc à gauche, c’est beaucoup, mais beaucoup plus fin , ça se joue en douceur avec un joli passage de dry-tooling pour sortir mais les protections sont honnêtes. Aux sourires qu’affichent mes seconds je comprends que ce genre de passage fera partie de leurs moments d’anthologie. Il ne nous reste plus qu’à tracer jusqu’au sommet du Tacul avant de descendre boire une bière au refuge des Cosmiques pour conclure une superbe journée  comme seul le printemps sait en offrir.